La servitude de passage consiste à autoriser le propriétaire d'un bien enclavé à passer par le terrain du propriétaire voisin pour rejoindre la voie publique. Bien qu'elle soit encadrée par la loi, il arrive pourtant qu'elle soit à l'origine de conflits de voisinage. Afin d'anticiper d'éventuels litiges, il est important de connaître les règles qui régissent le droit de passage. Pour vous aider à mieux comprendre cette notion, voici un tour d'horizon des principales dispositions à retenir.
Qu'est-ce qu'une servitude de passage aux yeux de la loi ?
Au sens juridique, la servitude représente une contrainte subie par le propriétaire d'un bien immobilier (fonds servant) au profit d'un autre propriétaire (fonds dominant). Cette notion est définie par l'article 637 du Code civil. Parmi les différents types de servitudes possibles, la servitude de passage est la plus courante. Cela signifie que le propriétaire d'un terrain enclavé a le droit légalement de passer sur le terrain de son voisin s'il ne dispose d'aucun accès ou d'un accès insuffisant à la voie publique.
Y a-t-il une différence avec le droit de passage ?
Il n'y a pas réellement de différence entre droit de passage et servitude puisqu'elles sont étroitement liées. En effet, le droit de passage est par définition assimilé à une servitude. Bien que la nuance soit mince, il est intéressant de se pencher sur leurs définitions respectives :
- la servitude de passage : il s'agit d'une contrainte imposée au propriétaire d'un terrain au profit d'un autre propriétaire dont le terrain ne permet pas de rejoindre la voie publique. On parle alors de servitude légale pour un terrain enclavé ou de servitude conventionnelle pour un terrain difficile d'accès.
- le droit de passage : il autorise le propriétaire d'un terrain à passer sur le terrain de son voisin dès lors qu'il ne peut pas accéder à la voie publique depuis son bien.
Attention, un droit de passage n'est pas définitivement acquis. Par exemple, vous ne pourrez plus disposer du passage si votre terrain bénéficie par la suite d'un accès direct à la voie publique.
La servitude est rattachée à un bien immobilier et non à son propriétaire. Elle est transmise avec le fonds de façon indivisible. En cas de vente, l'acquéreur du terrain ou du bâtiment auquel est rattaché la servitude en bénéficiera de plein droit.
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Terrain enclavé : un droit de passage reconnu par la loi
Le droit de passage s'applique systématiquement lorsqu'une propriété est considérée comme enclavée. Le propriétaire qui subit la servitude (fonds servant) ne peut donc refuser légalement le passage sur son terrain au propriétaire éligible au droit de passage (fonds dominant).
En contrepartie de ce passage, il est conseillé de verser au fonds servant une indemnité proportionnelle à la gêne occasionnée. Elle peut être fixée à l'amiable ou par un juge. Afin de limiter cette dernière ou à défaut d'accord amiable, le passage doit être pris au plus court vers la voie publique et situé à l'endroit le moins dommageable pour le propriétaire du fonds qui supporte la servitude.
Une fois la servitude de passage créée, son utilisation reste soumise à quelques obligations :
- pour l'usager (fonds dominant) : le passage ne peut être utilisé que pour accéder à la voie publique depuis le terrain. Tout autre usage comme le stationnement est strictement prohibé ;
- pour le voisin (fonds servant) : le passage doit être praticable et l'accès ne doit en aucune façon être entravé.
Durée et fin du droit de passage
La servitude de passage perdure tant que le terrain reste enclavé. Elle cesse à partir du moment où un nouvel accès est créé entre la propriété et la voie publique (route ou chemin public). Cette cessation de droit peut être signifiée via un accord amiable ou un juge.
Terrain difficile d'accès : un accord amiable nécessaire
Modalités de mise en place
Si votre terrain n'est pas enclavé mais seulement difficile d'accès, il faudra au préalable obtenir l'accord de votre voisin pour passer sur son terrain. Il s'agit alors d'une servitude dite conventionnelle. Autrement dit, le droit de passage est autorisé au fonds dominant à condition que le fonds servant l'autorise. Cet accord amiable doit être formalisé par écrit et indiquer :
- l'emplacement précis du droit de passage ;
- les conditions d'accès (piétons, véhicules, etc.) ;
- le montant de l'indemnité accordée par le fonds dominant au fonds servant.
Le montant de l'indemnité accordée en dédommagement des nuisances est déterminé librement par les deux propriétaires. En cas de désaccord, il convient de saisir la justice afin de régler le litige.
Durée et fin du droit de passage
La servitude de passage est fixée à 30 ans. Au-delà de cette durée, il revient au propriétaire qui subit la servitude de justifier le non-usage du droit de passage pour le faire cesser. Il doit alors saisir le tribunal et apporter les preuves nécessaires (constat d'huissier, témoignages, photographies...).
Le droit de passage peut cependant être modifié d'un commun accord entre les propriétaires.
En vertu des articles 703 et 710 du Code civil, il est possible de mettre fin à une servitude de passage en cas :
- d'utilisation impossible ;
- de confusion des fonds servants et dominants ;
- de non-usage supérieur à 30 ans ;
- de modification conventionnelle ou renonciation du propriétaire du fonds dominant.
Les règles de fonctionnement
La largeur de la servitude
Conformément à l'article 682 du Code civil, la loi n'impose pas de largeur spécifique pour la création d'un droit passage. Il doit toutefois être suffisamment large pour permettre l'accès aux véhicules, une largeur d'au moins 3 mètres est donc préconisée. Dans le cas où le passage a pour mission de desservir un immeuble ou plusieurs constructions, il est possible de l'élargir pour que les véhicules puissent circuler dans les deux sens.
L'usage
En règle générale, le stationnement n'est pas autorisé sur le passage. Toutefois, en cas d'accord commun il est possible d'ajouter cette mention sur le document justifiant de la servitude. Il doit impérativement être signé par les deux propriétaires pour être valide.
Les canalisations
La décision rendue par la Cour de cassation le 14 juin 2018 précise qu'il est possible de faire passer des canalisations dans le sous-sol d'un terrain enclavé uniquement si la servitude en fait mention. Cette autorisation résulte donc d'un accord amiable notifié par écrit ou d'une décision de justice. Le fonds servant n'a donc aucune obligation d'accepter la pose de canalisations sur la servitude de passage.
Les communes sont en droit de procéder à l'installation de canalisations d'eau potable et d’évacuation des eaux usées ou pluviales sous certaines conditions.
L'entretien
L'entretien du droit de passage doit être réalisé par les usagers. Cela peut donc aussi bien concerner le fonds dominant que le fonds servant. Dans ce cas, les charges relatives à l'entretien de la servitude seront supportées en priorité par le fonds dominant ou divisées entre les deux propriétaires.
Les frais de construction nécessaires à la réalisation du chemin ou de la route menant à la voie publique sont toujours à la charge du propriétaire désenclavé.
L'assurance
Le contrat d'assurance habitation du propriétaire du terrain couvre automatiquement la servitude de passage. A contrario d'une dépendance ou d'une piscine, la servitude n'a généralement pas besoin d'être déclarée lors de la souscription.
En cas de sinistre consécutif à un événement climatique ou une catastrophe naturelle, c'est donc l'assureur du propriétaire du terrain où se situe le droit de passage qui prendra en charge les dommages. À l'inverse, si le sinistre relève d'une faute commise par l'usager, ce sera à lui ou à son assureur de prendre en charge les dégâts causés (principe de responsabilité civile).
En cas de litige
Pour tout conflit lié au droit de passage, il convient de saisir la justice afin de redéfinir les conditions d'usage à l'origine du litige. Elle peut notamment statuer sur :
- la légitimité du droit de passage ;
- l'emplacement de la servitude de passage ;
- les modalités d'accès du passage ;
- le prix de l'indemnité accordé au propriétaire servant en dédommagement des désagréments subis.
Peut-on racheter un droit de passage ?
Le rachat d'un droit de passage est légalement possible s'il respecte les conditions fixées par l'acte notarié. Le montant du droit de passage est fixé librement entre les deux parties. En cas de désaccord, il convient de saisir le tribunal qui rendra sa décision au vu des éléments du dossier.
En cas de vente du fond servant ou dominant
La servitude se transmet avec le titre de propriété. La vente ou l'achat d'un terrain ne remet aucunement le droit de passage en cause puisqu'il est rattaché au bien et non au propriétaire.
La seule exception concerne la cession du fonds servant au profit du fonds dominant. Dans ce cas précis, on notera que : « Toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due et celui qui la doit, sont réunis dans la même main » (article 705 du Code civil).
Voir aussi :