Les parties communes à usage privatif ont un statut à part dans une copropriété : elles appartiennent à tous les copropriétaires, mais seul l'un d'entre eux en a la jouissance exclusive. Une nuance subtile, que nous vous détaillons dans cet article.
Qu'est-ce qu'une partie commune à usage privatif ?
Les parties commune de la copropriété peuvent, en principe, être utilisées librement par chacun des habitants. C'est ainsi souvent le cas du hall de l'immeuble, de l'ascenseur, du jardin de la résidence ou de l'escalier qui sont détenus en indivision par les copropriétaires.
Pour autant, certaines parties communes bien déterminées, le plus souvent attenantes à un lot de copropriété, sont réservées à l'usage exclusif de certains copropriétaires et ne sont utilisées par aucun autre des habitants de la propriété.
C'est ce que l'on appelle les parties communes à usage privatif.
On peut par exemple citer notamment :
- un balcon ;
- une terrasse ;
- une cour d'immeuble ;
- des loggias ;
- des combles ;
- un couloir.
La notion de jouissance exclusive
Lorsque les copropriétaires acquièrent le droit d'utiliser ces parties communes spécifiques, ils bénéficient de ce que l'on appelle le "droit de jouissance exclusif".
Les copropriétaires qui obtiennent un accès privilégié à certaines parties communes n'en deviennent pas pour autant les propriétaires !
Le droit de jouissance exclusif est différent du droit de propriété : le copropriétaire qui bénéficie du droit de jouissance exclusif n'a en aucune façon l'autorisation, par exemple, de réaliser des travaux sur cette partie.
Bon à savoir : avant d'accorder l'endroit de jouissance à l'un des copropriétaires, prenez le temps d'analyser toutes les conséquences possibles de cette décision. En effet, une fois que le bénéficiaire bénéficie de ce droit, il est impossible de le remettre en cause sans son accord.
Y a-t-il un délai de prescription ?
Le saviez-vous ? Il existe un délai de prescription de 30 ans qui vous permet d'acquérir une partie commune de l'immeuble, sous certaines conditions. La loi vous autorise en effet à en faire la demande si vous avez l'usage d'une partie commune :
- en continu et sans interruption : pour cela il faut prouver que vous avez entretenu et aménagé la partie commune, au fil du temps, par exemple ;
- de manière paisible : vous avez pris possession du bien de manière licite et sans violence ;
- publique : votre volonté de vous comporter comme un propriétaire doit être connue de tous et vos aménagements ne doivent pas avoir été réalisés en secret ;
- non équivoque : il ne doit y avoir aucun doute sur votre volonté de vous comporter comme un propriétaire exclusif de la partie commune.
La partie commune devient alors une partie commune à usage privative. C'est ce qu'on appelle la prescription acquisitive.
En revanche, vous ne pouvez pas demander l'application de la prescription acquisitive si votre occupation résulte d’une simple tolérance du syndicat ou que si vous avez déjà la jouissance exclusive.
L'impact de la loi ELAN
la Loi ELAN a entraîné des changements notables dans l'accès à la jouissance exclusive d'une partie du bien en copropriété.
En effet, avant le vote de cette loi, le droit de jouissance privative n'était pas encadré légalement. Par conséquent, la jouissance exclusive de certains copropriétaires à des parties communes dédiées était régi par les règlements de copropriété ou par l'habitude. En cas de conflit entre les copropriétaires concernant la jouissance exclusive de certaines parties communes, les juges devaient trancher au cas par cas, en s'appuyant sur le règlement mais aussi sur l'usage. Une base fragile qui générait de nombreuses insatisfactions.
La Loi ELAN, en éclaircissant le statut de la jouissance exclusive, a permis de résoudre certaines problématiques relativement complexes.
La Loi précise en effet deux points essentiels :
- "le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché" ( article 6-3, alinéa 1). Avant que cette précision soit légalement édictée, le droit de jouissance privative était rattaché au copropriétaire et non au lot de copropriété. Par conséquent, le droit n'était pas automatiquement transmis à chaque nouvel acquéreur. Désormais, lorsqu'un copropriétaire vend son bien, il vend également le droit de jouissance exclusif de son lot ; ce droit est également transmis aux héritiers du copropriétaire en cas de décès ;
- le droit de jouissance exclusif "devient inexistant à défaut de mention dans le règlement de copropriété" (l’article 6-4). En d'autres termes, si les modifications n'ont pas été enregistrées dûment dans le règlement de votre copropriété, le droit de jouissance exclusif devient de facto inexistant ! Vous bénéficiez, par la force de l'usage, de la jouissance exclusive d'un sympathique toit-terrasse ? Méfiez-vous, si cette donnée n'est pas strictement enregistrée dans le règlement de votre copropriété, rien n'empêche sur le principe les autres copropriétaires de l'utiliser pour organiser un apéritif !
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Quelles implications au niveau de la copropriété ?
Les règles d'utilisation à respecter
Quand des parties communes sont dédiées à l'usage exclusif d'un copropriétaire, les autres habitants ne peuvent plus l'utiliser comme lieu de passage ; le bénéficiaire du droit peut réaliser sur cette parcelle des travaux d'aménagement amovibles (installer des meubles de jardin sur une terrasse, etc.), et des travaux mineurs. Mais les gros travaux sont interdits.
L'impact sur les charges
La prise en charge de l'entretien de ces parties communes au statut hybride est le plus souvent définie par le règlement de copropriété ; celui-ci peut prévoir une quote-part supplémentaire, à la charge du bénéficiaire du droit. Si le règlement ne fait pas allusion à des charges supplémentaires pour le propriétaire concerné, alors le bénéficiaire du droit ne devra pas régler de quote-part supplémentaire, mais devra cependant prendre en charge tous les travaux d'entretien courant de la partie commune concernée.
En cas de travaux
En revanche, si la décision est prise de mettre en place des travaux importants, la prise en charge de ces travaux appartiendra à l'ensemble des copropriétaires. Bien évidemment, le bénéficiaire du droit ne peut pas prendre seul la décision de réaliser des gros travaux dans les parties communes dont il a la jouissance exclusive.
Obtenir un droit de jouissance exclusive sur une partie commune
Vous souhaitez obtenir le droit de jouissance exclusif d'un jardin, d'un balcon ou de combles ? Si la jouissance exclusive de ce bien n'est pas spécifiquement indiquée dans le règlement de copropriété, il vous faudra en faire la demande en assemblée générale des copropriétaires. Dans ce cas, vous devrez inscrire votre projet à l'ordre du jour de la réunion.
Qui peut en faire la demande ?
Tous les copropriétaires peuvent demander l'accès de jouissance exclusif à certains lots clairement définis. Pour autant, pour que la demande soit acceptée, elle doit être recevable. Mieux vaut demander l'usage de jouissance exclusif d'un bien à proximité directe de votre lot privatif, peu utilisé par les autres copropriétaires.
Le vote par l'assemblée générale
Pour être validée, la proposition devra être acceptée en double majorité (que l'on appelle aussi majorité de l'article 26). Les voix doivent représenter à la fois au moins la moitié des voix et les deux-tiers des tantièmes.
Ce n'est pas très clair ? Prenons un exemple : dans une propriété de dix copropriétaires (qui représentent la totalité des charges à eux tous, soit mille millièmes), le droit de jouissance exclusif doit être voté par au moins six copropriétaires, détenant plus des deux-tiers des tantièmes soit au moins 668 millièmes.
Si cette majorité n'est pas atteinte, et que le premier tour a obtenu au moins la moitié des voix représentant un tiers des tantièmes, alors le copropriétaire concerné peut demander un second tour. Pour obtenir son droit de jouissance exclusif, il devra tout simplement obtenir la majorité des tantièmes (ce que l'on appelle la majorité de l'article 25).
La modification du règlement de copropriété
Une fois la décision votée, il vous faudra modifier le règlement de copropriété de façon à ce que cette nouvelle clause y soit intégrée. Pour ce faire, vous devrez produire une résolution.
Modèle de résolution
Suite à l'Assemblée de copropriété du (à compléter), Monsieur (à compléter) a sollicité l'accord de l’Assemblée Générale pour que les parties communes (à compléter), soit attachées à son lot de copropriété, et pour qu'elles soient reconnues comme partie commune sur lesquelles Monsieur (à compléter) aura droit de jouissance privatif.
Pour rappel, en vertu du nouvel article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 :
« Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage et à l’utilité exclusive d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires.
Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot. »
L’assemblée générale accède à la demande de Monsieur (à compléter), et accepte que le règlement de copropriété soit modifié en ce sens.
L'Assemblée Générale a mandaté, pour modifier le règlement, Madame ou Monsieur (à compléter) géomètre expert, qui aura pour rôle de déterminer la superficie de la partie commune concernée. L'Assemblée Générale sollicite également Maître (à compléter), notaire , pour prendre acte des modifications apportées au règlement de copropriété
Comme vous pouvez le constater, vous devrez donc faire appel aux services d'un géomètre et d'un notaire pour modifier le règlement de copropriété.
En cas de litige
Il arrive parfois que certains copropriétaires confondent usage privatif et totale propriété. Ils font ainsi réaliser des travaux sur la parcelle dont ils ont l'usage exclusif, sans juger bon d'en informer les autres habitants de l'habitation.
La prise en charge des dégâts sur ces parties spécifiques où il convient de faire appel à l'assurance habitation peut également être sujet à des conflits. C'est un exemple parmi d'autres de situation pouvant générer des conflits au sein de la copropriété sur la jouissance exclusive d'un bien. Si le dialogue avec le copropriétaire indélicat n'a pas porté ses fruits, vous pourrez en référer au juge du Tribunal de Grande Instance de votre lieu d'habitation.
Voir aussi :